L'IA, le Créatif et l'Innovateur ▷ Partie 01 ▷ QU'EST-CE ET POURQUOI?

"Tout le monde est agité."

Cette récente déclaration dans le New York Times d'Erik Brynjolfsson, économiste à l'Institute for Human-Centered Artificial Intelligence de Stanford, résume parfaitement la frénésie actuelle face aux nouveaux outils IA.

Jamais depuis l'iPhone la croyance qu'une nouvelle technologie pourrait changer l'industrie n'a été aussi profonde. Il y a beaucoup de valeur à gagner ou à perdre.

Ce nouvel eldorado est bien réel. Chaque semaine, plus de 100 outils IA voient le jour et on peut imaginer la commotion que causera l'arrivée (cette semaine?) de GPT-4 d'OpenAI.

Mais pour que l'IA donne naissance à cette création de valeur ou même optimise les bonnes choses, il faut d'abord se demander si l'on sait quel problème nous tentons de résoudre.

Une étude l'année dernière de la IPA (Institute of Practitioners in Advertising) révèle que seuls 20% des spécialistes du marketing savent exactement quels sont leurs objectifs. Et cela se traduit, bien sûr, dans les briefs aux agences. Ces dernières signalent qu'elles ne reçoivent qu'environ 10% des dossiers des clients avec des objectifs clairs.

"When you think about it, that's just mental", s'indigne l'expert James Hurman qui a consacré sa carrière à la recherche et à l'enseignement de l'efficacité publicitaire.

Son mécontentement pleinement justifié, car la créativité est une forme de résolution de problèmes, et vous ne pouvez pas résoudre un problème que vous n'avez pas compris ou même identifié.

Partageant plusieurs points communs avec le domaine de la stratégie, toutes deux exigent une planification méthodique ainsi que d’envisager chaque problème sous différents angles tout en sortant des sentiers battus.

Les démarches créatives et stratégiques possèdent le même point de départ, soit de poser un diagnostic. Vous devez d'abord comprendre le défi auquel vous êtes confronté. Cela commence par l’identification de ce qui est important et de ce qui ne l'est pas.

D’ailleurs, la première phase de l’influent processus créatif de Wallas (introduit en 1926) s’amorce par la compilation des informations et la compréhension du problème (suivi de l’incubation, l’illumination et finalement de la vérification).

Martin Reeves, président du Boston Consulting Group et auteur de The Imagination Machine:

Une compétence fondamentale en matière de résolution de problèmes consiste à ne pas se lancer immédiatement dans la recherche de solutions. Mais plutôt de se demander : quel est le problème? Quelle est la bonne question dans cette situation? Et pour ce faire, il faut se poser tout un tas d’autres questions comme: que savons-nous? Qu’est-ce que nous supposons savoir? Quelles sont les autres façons de voir cette situation?

Dans le MIT Sloan Management Review du printemps 2023, on constate que cette façon de procéder gagnerait à être plus appliquée.

Il s'agit d'un schéma familier que nous avons rencontré dans le cadre de nos activités d'enseignement et de conseil aux cadres. Face à des problèmes complexes et à des décisions stratégiques, les cadres choisissent souvent le mauvais problème à résoudre. Ils se concentrent sur les symptômes plutôt que sur les causes, fondent leur réflexion sur de fausses hypothèses et des contraintes artificielles, et négligent les principales parties prenantes.

La Canadienne Cassandra Extavour est chanteuse baroque professionnelle, mais également professeure de biologie du développement et de l'évolution à l'université de Harvard et chercheuse au prestigieux Howard Hughes Medical Institute. Questionnée sur son processus créatif, elle a répondu:

Définir la question est toujours la chose la plus importante parce que vous ne pouvez pas trouver des façons de tester des hypothèses à moins d’être extrêmement clair sur la question que nous posons.

Nous devons être tout aussi (sinon plus) créatifs pour poser la question que pour répondre à cette même question.

Dans le Scientific American, Pushmeet Kohli énonce que l’IA promet d'accélérer les découvertes fondamentales en approfondissant la nature des questions que les chercheurs peuvent poser et par ce fait dépasse ce que les humains ne pourraient jamais trouver par eux-mêmes.

L’IA multiplie la nature des questions que les scientifiques peuvent poser : par exemple non pas simplement "quelle est la forme de la protéine X ?" mais, plus fondamentalement, "qu'est-ce qui dicte la forme de n'importe quelle protéine ?" Une telle question n'apporte pas une seule réponse, mais plusieurs, ce qui ouvre de nouveaux champs d'investigation.

Aujourd'hui accompagné de ces outils IA, il devient essentiel de réfléchir aux bons problèmes à explorer, car ceux-ci peuvent élargir considérablement l’univers de solutions alternatives et d’identifier des solutions radicalement meilleures.

Le mois dernier dans le Financial Times, John Thornhill se demandait si l’IA avait la capacité de générer des idées réellement nouvelles dans des domaines difficiles, notamment les mathématiques et les sciences, et enrichir la créativité humaine? Je ne pourrais conclure d’une meilleure façon que lui:

L'artiste Pablo Picasso, exemple même de la créativité humaine, aurait dit que "les ordinateurs sont inutiles, ils ne peuvent que vous donner des réponses". La vie deviendra plus intéressante à mesure qu'ils nous aideront à formuler des questions originales.

👋🏻 Merci.